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Chapter 4 - Que dois-je faire ?

Noé. 

Depuis que je suis rentré, mon ventre fait danser de la chrysalide en panégyrique. Mes cellules vibrent de positivité. Je ne sais pas si c’est ce qu’on ressent quand on aime une personne, mais ça me fait énormément de bien. 

Je n’ai pas envie de paraitre intrusif, et surtout pas comme un bouffon. Je pourrais demander des conseils à Chris, mais il me donnerait plus son aide pour passer à l’acte sexuel que pour séduire. Après tout, il parvient à en séduire, ça doit donc fonctionner d’une certaine façon. 

Quoiqu'il en soit, je suis assez grand pour me débrouiller. J'ai grandi sans aucun contact féminin, rien de ce style. Si les autres y arrivent, je peux le faire. 

Je voulus réaliser quelques tâches de mon quotidien, mais son sourire obnubila mon esprit. Je suis foutu, je crois. 

Je décidai de lui envoyer un texto, avec l’espoir qu’elle accepte ma venue. Je suis tellement inconfiant que j’ai envoyé un bête message : “hey, ça te dérangerait qu’on discute ?”. Ouais, je sais. C'est minable. 

Les minutes défilèrent. Aucune réponse. Rien du tout. Même pas un vu. Il parait que l’espoir fait vivre. Sans ça, je serais mort. Elle doit sûrement être occupée. Ou alors j’ai mal agi ? Bordel, ça me bouffe de l’intérieur. Je me pose trop de questions, je dois juste laisser couler. 

*Brrr* Le vibreur de mon portable qui me dit que j’ai reçu une notification. Bon Dieu interne, dis-moi que c’est elle. 

Quand j’aperçus sa réponse, je fus paralysé par les émotions. 

Je répondis aléatoirement. Ce n’était pas moi qui répondais, c’était quelqu’un d’autre. Un être voulant nous rapprocher. Je le laissai faire, parce que c’était la meilleure solution sur le coup.

Après plusieurs messages, plus rien. Maintenant, je suis sûr qu’elle s’est endormie. 

 

Le lendemain matin. 

La nuit fut longue et courte à la fois. Je pris pas mal de temps à fermer les yeux sans ressentir mon cœur pulser à mille à l’heure. Une fois fermés, je les ai rouverts au matin. Un peu fatigué sur les bords, mais en pleine forme pour débuter la journée. 

Mon premier réflexe fut d’allumer mon téléphone pour voir si elle m’avait répondu, mais aucun message. Je suis un lève-tôt, ne nous précipitons pas. Ce n’est pas une raison pour ne pas réaliser mon quotidien morose, pour certains. 

 

Une heure plus tard, aux alentours de 8 heures. 

Bien, tout est presque fait. Plus qu’à méditer et je suis bon. 

Je m’installai sur mon tapis et j’allumai une bougie pour sentir l’encens à travers mes narines. Une petite induction et je peux plonger dans les profondeurs de ma conscience. Nonobstant, avant de m’installer, je ressentis une étrange sensation dans ma poitrine, tout sauf agréable. 

Je n’y pris pas attention et me dis que c’est mon mental qui me jouait des tours. 

Une minute après l’induction, le sang dans mes veines se calma et mon cerveau émit des décharges électriques entre mes neurones pour me dire que l’état altéré de conscience se pointa. 

Après mes années d’entrainement, je parviens à me déplacer comme dans un voyage astral tout en restant connecté au corps physique. On pourrait croire que c’est simple, mais un grand nombre de gens n’y arrive pas. Ils prennent trop à la légère la concentration requise pour pleinement ressentir les bienfaits de la méditation. Au lieu d’être aliénés par les réseaux, ils devraient se remettre en question sur leur façon de se comporter. À la place, ils ne sont bons qu’à juger la spiritualité. Des minables. 

J’ouvris les yeux intérieurement et je vis un monde en fractal. Cela me sembla intriguant car c’est la première fois que, durant une méditation, je me retrouve dans un lieu pareil. Généralement, je suis transporté dans les cieux ou dans un endroit similaire, mais là, ça ne s’apparente ni à l’un ni à l’autre. 

J'entrepris l’initiative de me déplacer avec précaution. J'observai les environs et des individus vivaient leur vie comme si de rien n’était. Je fus troublé sans l’être, c’est-à-dire que je savais que d’autres personnes vivaient dans des dimensions différentes de la nôtre, mais l’environnement était distinct de ce que je connaissais. Et en même temps, la sensation ne voulait pas me lâcher, ce qui accentua mon ressenti. 

Je voulus discuter avec un passant. Lorsque l’homme, avec un sourire amical, voulut me parler, un bug survint soudainement, perturbant l'atmosphère de notre échange. Je fus pris d’une énorme peur mêlée à de l’excitation, mes pensées se bousculant dans ma tête. J'entendis en parallèle “demande-moi ce que tu veux, je suis Siri” qui voyageait de gauche à droite dans mes oreilles, résonnant de manière étrange et décalée, comme une mélodie numérique qui se mêlait à ma réalité. 

Je me pris le nez du bout des doigts et j’essayai de me calmer. Quand la peur commença à s’en aller, un tourbillon m’aspira, un mouvement vibrant qui semblait invitant. Ce n’était pas un tourbillon comme les autres, il était composé d’un monde propre à lui, un mélange de couleurs vives et de formes étranges qui dansaient autour de moi, créant une sensation d'émerveillement mêlée à l'inquiétude. 

D'une douce violence, je m’écrasai sur le sol de l’emplacement où il m’avait emmené. Je regardai directement où j’étais, sauf que je n’en avais aucune idée. 

Une ombre vint devant mes yeux, une silhouette indistincte qui semblait émerger des profondeurs de la nuit. Ils étaient écarquillés, témoins d'une terreur silencieuse, sans que je n’aie la possibilité de les fermer, même si je le voulais désespérément. Je la vis flotter dans l’air, comme une brume épaisse enveloppant toute la pièce, créant une atmosphère d'angoisse palpable. Elle me dit, d'une voix éthérée, que je devais arrêter de me tracasser, que je devais contrôler mes émotions, que c’était primordial pour que je puisse l’aider. Sauf que moi, je ne parviens pas à saisir le sens de ses dires. 

Je ne sais pas ce qu’elle me dit. Je n’y comprends rien. C'est pour ça que je ne me sentais pas à l’aise avant de débuter. Si j’avais su, je me serais abstenu. Putain. 

Elle s’approcha rudement. Je pouvais sentir son odeur, son énergie, sa vibration. Et malgré sa noirceur, une lueur émanait. 

- Regarde-moi dans les yeux. Tu dois entrevoir ce que je veux que tu comprennes. On en a besoin. Sans toi, on est foutus. Si tu ne m’aides pas, tu ne pourras survivre, me dit-elle. 

Ok, je pense saisir l’étendue de ce qui se passe. Une ombre me demande de l’aide, avec une voix qui résonne dans mon esprit, comme si on se connaissait intimement, comme si j’étais une personne de la plus haute importance à ses yeux, comme si j’étais l’élu d’un destin que je ne comprends pas. Pourtant, je ne suis rien de tout ça, je suis simplement moi, un être ordinaire confronté à des forces qui me dépassent. Cette ombre semble savoir des choses sur moi que je n’ai même pas encore découvertes, et elle emprisonne mon esprit dans une cage astralisée inviolable, une prison mentale d’où je ne peux échapper, ce qui m’empêche d’agir en conséquence. Chaque pensée que j’essaie de former est étouffée, chaque mouvement que je tente est bloqué par cette présence oppressante. 

Une voix stridente hurla dans tout mon être. “REGARDE-MOI. Tu DOIS me regarder.” Maintenant, je me barre définitivement. 

Au moment où je tentai quelque chose, la noirceur de ses yeux rentra dans la nitescence des miens. La bouche ouverte, les mains paralysées comme durant une crise d’épilepsie, son obscurité me montra une personne marchant dans la rue, une silhouette emplie d’une lumière incommensurable. Je croisai son regard mais peinai à enlever le flou de ma vision. Sa main était tendue dans ma direction, et quand je voulus l’attraper, je revins à côté de l’ombre. 

- Tu comprends, maintenant ? J'espère que oui, sinon vous sombrerez tous les deux dans un amour égotique destructeur. 

La sensation des muscles du corps physique, de mes fesses assises sur le sol, de la température frottant ma peau, tout me disait que j’étais revenu à moi. 

Bordel de merde, pourquoi ça fait deux fois, sur une courte durée, qu’une expérience de la sorte se produit. Le pire, c’est que je comprends que dalle à ce que j’ai vécue. Calmos, Pepito. C'est un rêve extrêmement réaliste, rien de plus. Tout dans l’astral est illusoire, je n’ai pas à m’en faire. 

 

En début d’après-midi. 

À la suite de cet évènement, je me suis préparé une salade de riz avec des tomates, poivrons, un peu de Tabasco et du ketchup pour assaisonner le tout. Je méritais bien ce beau réconfort, après ce que j’ai vécu. Le goût se propageant sur mes papilles gustatives, du calme et de la volupté. 

J'eus l’envie de sortir dehors, mais le temps pluvieux m’a enlevé l’envie de cultiver cette idée. Je suis obligé d’être en contact avec plein de matériels électroniques et d’ondes électromagnétiques, juste à cause de la météo. 

J'en ai profité pour repenser à cette fameuse aventure. J'ai eu beau ressasser toutes mes connaissances pour au moins parvenir à une conclusion, mais seules des conjectures me sont apparues. On ne peut me retirer le mérite d’avoir essayé. 

Bon, il faut que j’arrête de me prendre la tête avec des inepties. Je suis en train de faire ce que l’ombre m’a fortement déconseillé de faire. Rah, quelle galère. 

 

Vers 19 heures. 

Ça fait dorénavant une demi-journée que je me détruis le cerveau avec des pensées intrusives. Je n’ai pas pensé une seule seconde à regarder mon téléphone pour parler à cette fille. À tout moment elle ne m’a rien envoyé et ça va encore plus bousiller la journée. 

La lumière bleue frappa ma rétine. Mes yeux se plissèrent et aperçurent plusieurs notifications : un e-mail, une de l’application Webtoon pour les nouveaux chapitres sortis et une réponse de la part de Laura. 

Je me sentis rassuré à l’idée qu’elle ne m’ait pas oublié, et frustré de lui avoir laisser un vent de plusieurs heures. 

La stupeur m’envahit quand je vis qu’elle me répondit directement. Ça doit être la récompense pour ce qu’on m’a fait endurer ce matin, hehe. Je ne vous pardonne quand même pas, bande de fourbes ! 

Une longue discussion se déroula sur pas mal de sujets. Un seul est important : elle savait que j’avais été en galère plus tôt dans la journée. Ce fut un véritable choc de l’apprendre. Comment le savait-elle ? Avais-je dégagé quelque chose vers elle pour qu’elle le ressente ? C'est vrai qu’elle m’a été étonné quand on s’était vus, mais tout de même. Connaitre cela démontre son niveau de connexion avec la spiritualité. 

On termina le dialogue en nous donnant rendez-vous le lendemain. Je vous avoue que je n’étais pas serein pour accepter, mais sans expérimentation, aucun résultat. J'acceptai donc et elle me laissa choisir, comme elle avait déjà choisi la première fois. 

 

Le lendemain, fin de matinée. 

C'est l’heure du deuxième contact avec une femme. Je suis tout content, tel un enfant qui découvre Disneyland. Je me suis bien habillé : chemise blanche, pantalon noir et une paire de chaussures que je garde pour les mariages, mais vu que je n’y vais jamais, elles sont neuves. Y'a juste mes cheveux qui sont un peu décoiffés. J'ai eu la flemme, pour être honnête. 

Laura arriva de façon décontractée, sans extravagance : un oversize, un pull à capuche brun et des baskets. Je me sens un peu con de m’être habillé ainsi, maintenant... au moins elle a fait ses cheveux, elle. 

- Tu t’es mis sur ton 31, à ce que je vois, dit-elle en rigolant. 

- Pas trop. J'ai pris les premiers vêtements dans ma garde-robe, rétorquai-je. 

C'est un vrai mensonge, mais je vais faire mine de rien. Il ne faudrait pas qu’elle pense que je veux mettre toutes les chances de mon côté, même si c’est clairement ce que je montre et dégage. 

Je lui proposai d’aller se poser dans un parc pour passer l’après-midi, ce qu’elle accepta sans hésitation. Je lui dis que j’en connais un dans les environs, à même pas cinq minutes d’où on est. 

Pendant qu’on marchait, les oiseaux chantaient pour accueillir le printemps. Le soleil était visible jusqu’à brûler notre rétine. Le ciel pleinement dégagé. Aucun nuage aux alentours. La chaleur tapait notre visage, nous forçant à marcher la tête baissée. Une petite brise de vent frais venait de temps à autre. Il devait faire presque 30 degrés. 

Dans ma poitrine, ça pulse à 100.000 mille battements. Je n’ose pas engager la parole. Je prie pour qu’elle m’entende et le fasse à ma place. 

- Tu sais, Noé, il y a une épopée qu’on doit vivre pour exister. Si tu ne la vis pas, tu es un fantôme. Regarde sur ton épaule gauche, tu comprendras. 

Une incompréhension s’imprégna en moi. Certes je voulais qu’elle me parle, mais pas d’une façon aussi philosophique. Et mon épaule gauche ? 

Je tournai légèrement la tête pour jeter un coup d'œil furtif à mon épaule gauche. Il n’y avait rien de particulier. Rien à part ma chemise qui se faisait balayer par le vent. 

- Sur ton épaule gauche, répéta-t-elle doucement, comme si c’était évident. Tu vois ce que je veux dire ? 

Je la regardai de nouveau, cette fois-ci sans détourner les yeux, cherchant une explication dans le fond de ses yeux, tout en plissant les miens. 

- J’ai pas compris, Laura, avouai-je, tout en essayant de masquer la confusion qui me gagnait en me frottant les sourcils. 

Elle continua à avancer calmement, avant de s’arrêter net devant moi. Le soleil illuminait son visage, qui était à la fois fermé et ouvert. C’était presque perturbant, comme si elle venait d’une autre dimension, et que ses mots étaient là pour tester quelque chose de plus profond. 

- Regarde vraiment, dit-elle d’une voix plus douce, presque un murmure. 

Je laissai échapper un léger soupir et regardai à nouveau mon épaule gauche, cette fois-ci avec plus de concentration. Et là, j'eus une révélation étrange. Une sensation, comme si mon corps était en attente d’une connexion, d’une prise de conscience, mais il n’y avait rien de tangible à voir. Pas de trace visible. Rien. Pourtant, je sentais qu'elle attendait quelque chose de moi, que je devais saisir un élément insaisissable. 

- Je… je ne vois rien, répondis-je, gêné. 

Elle observa ma réaction avant de sortir un soupir d’agacement. Elle attendait quelque chose de moi, c’est certain. Ce qu’elle attend, ça, je ne sais pas ce que c’est. C’était plus bizarre et perturbant qu’autre chose. 

- Ce n'est pas quelque chose que tu vois avec tes yeux, Noé. C’est une sensation. Une part de toi que tu négliges peut-être, mais qui est là, toujours présente. 

J'eus envie de quereller, de dire qu’elle était un peu trop étrange pour moi, mais quelque chose en moi me dit de la laisser continuer. Peut-être qu’elle voyait un truc que je ne voyais pas, un truc qui m’était encore imperceptible. 

- Écoute ton instinct, ajouta-t'elle en me regardant intensément. Il y a des choses dans la vie qu’on doit ressentir, et non chercher à comprendre immédiatement. C’est ça, l’épopée dont je parle. 

Je n’avais pas envie de devenir un personnage philosophique à deux balles, mais ses mots résonnaient en moi d’une manière étrange. Je ne savais pas comment réagir. Mais d’un autre côté, ses yeux étaient si profonds qu’elle me convainquit que j’étais un ignorant. 

- Et si je suis… un fantôme, comme tu dis, Laura ? demandai-je, presque timidement. 

Elle sourit joyeusement en faisant un pas en arrière. Un rocher, un arbre, un scion, de l’herbe, tout ça, c’est de la vie. Si tu n’es pas capable de voir ton épaule gauche, tu ne peux pourras jamais exister, me dit-elle. 

Un maelstrom de conjectures apparurent de tout part. Nous étions arrivés au parc sans que je ne voie le temps défiler. J'eus l’impression qu’on avait marché... sans marcher. Je n’eus pas plus le temps de penser que nous nous assissions sur un banc. 

Un blanc vint interrompre notre discussion. Quelques secondes plus tard, Laura ouvrit la bouche en me demandant pourquoi est-ce que je n’avais pas parlé du trajet. Et là, des sueurs froides descendaient le long de ma colonne vertébrale. Ce fut un choc. Une explosion nucléaire en pleine gueule. Comment ça, je n’ai parlé ? Comment ça, elle n’a pas parlé ? Toutes les pensées possibles et imaginables se frottaient dans mon cerveau. 

Chaque fois que je suis avec cette fille, il se passe des trucs bizarres. L'autre fois, c’était le serveur au restaurant avec toutes les péripéties qui ont suivies, et maintenant, c’est cette situation. J'ai l’habitude de vivre des expériences spirituelles, mais pas aussi fréquemment, et encore moins aussi bizarrement. 

Bordel de merde, je fais quoi ? Je fais mine de rien ou je lui dis clairement ce qui se passe ? J'en sais rien. Fait chier. 

Je décidai de faire semblant de rien, et lui dis que je voulais observer les environs en appréciant sa présence. Et là, un brouillage électromagnétique extrêmement puissant vint entre mes deux oreilles. Ce fut tellement intense que j’hurlai et appuyai sur elles pour essayer de calmer la douleur. 

Laura ne comprenait rien à ce qui se passait, mais une autre personne était présente. Je ne parvins pas à l’identifier, ma vision devenait de plus en plus saccadée. Les sons disparaissaient, sauf cette perturbation dans mes oreilles. Plus les secondes passaient, plus le son augmentait. 

Ma bouche s’ouvra et du sang en sortit sous forme de crachat. Ma main gauche frotta mon nez qui me démangeait, et du sang tâcha mon poignet. Fuck that shit, je suis en train de mourir, ou quoi ? Mes yeux me font un mal de chier, je parie qu’il pleure du sang aussi. 

Laura tendit sa main pour me relever, mais quand je voulus l’attraper, je passai à travers elle et m’effondrai au sol. C'était comme un fantôme, un être n’existant pas. Je me retournai en frottant mes yeux et vis que mon corps se releva grâce à sa main. Au même moment, je fus propulsé dans mon corps. Toute la douleur revint. Elle se multipliait chaque milliseconde passée en lui. 

Je sortais en rentrais dans celui-ci, jonglant entre souffrance et vide intemporel. Je sentais que j’allais exploser de l’intérieur. J'étais certain de mourir et de vivre mes derniers instants. 

L'obscurité saisit mon âme et la jeta comme un vulgaire déchet sur l’herbe du parc. J'étais décorporé dans mon corps physique, de mon âme, de tout. Je ne savais pas qui j’étais, comment est-ce que c’était possible que je sois vivant. Et surtout, comment est-ce que c’était possible que tout ça n’était pas un rêve, à cause de la putain de douleur que je ressentais. 

Un flash me catapulta en l’air, me laissant flotter à travers le vent. Je le perçus m’agripper pour me redéposer délicatement. Quand j’allai arriver à destination, ce même flash me frappa en plein milieu de ce que j’appelais “mon corps” et m’envoya dans mon âme. 

- Je t’avais dit quoi ? JE T’AVAIS DIT QUOI ? Tu n’écoutes pas, quand on te parle ? 

Je reculai avec les bras de mon âme, laissant mon postérieur frotter le sol. J'étais épris d’une peur impressionnante. Je n’avais jamais eu aussi peur de ma vie. 

Une ombre m’empoigna la tête et me força à regarder Laura et mon corps physique. Ce même corps qui était vide, car je n’étais plus présent à l’intérieur. C'est vrai, ça. Comment est-ce qu’il peut vivre comme de rien n’était alors que je ne suis dedans ? 

Cette ombre me cloua les pensées, m’empêchant de raisonner davantage. Elle me répéta ce qu’elle m’avait dit auparavant. Elle le répéta en boucle. Encore et encore. Sans s’arrêter. En continu. Je vais devenir fou. Non, je préfère mourir. 

- Tu ne vas pas mourir, ne t’inquiète pas. En revanche, je vais te tuer. Tu n’y échapperas pas. Tu sais pourquoi ? parce que je t’ai demandé une chose, et tu ne m’écoutes pas. Si tu ne m’écoutes pas, tu sombres. Ce n’est pas contre toi, c’est juste que tu dois nous aider... je t’en supplie. 

Je les regardais vivre leur vie tranquillement, pendant que moi, je n’étais plus là. Je n’arrivais pas à bouger, à avoir une once de volonté. J'étais entièrement veule. 

Hein ? Mes pensées sont revenues. Elle a retiré son emprise ? Aucune idée. Je m’en fous. Je m’en fous royalement. Je veux qu’elle me tue. J'en ai marre. Pourquoi ça m’arrive à moi ? pourquoi ? 

- Humain soumis à ton ego, écoute-moi. Tu te fais dominer par ton ego, c’est pour cela que tu es ici. Tu ne peux plus rien voir, car ton ego est devenu ton monde. Si tu joues avec ton ego, il va gagner. Tu ne dois pas jouer avec lui. Fais-le et tu sombreras dans un paradis virtuel. Tu as suivi le paradis du Dajjal[1], c’est pourquoi tu chutes. Tu as décidé d’écouter l’amour humain, pas le véritable Amour. Je vais te laisser regarder en bas. À toi de me décrire ta vision et ta pensée. 

Ma tête se dirigea mécaniquement vers le bas. Une vision horrifique. Je vis des humains, perdus dans leurs propres flammes ; ils se débattirent pour échapper leur souffrance, mais jouissaient en même temps de leur mal-être ; je vis un gardien devant une porte les empêchant de partir ; un animal vêtu d’une peau rouge et orange se tenait au-dessus de ce lieu, jouant avec ces humains ; il les obligeait à ressentir la souffrance, puis leur donnait de la joie, puis de la souffrance, puis de la joie ; il s’amusait avec eux ; sur les murs, il y avait des têtes d’humains qui étaient encore plus emprisonnés par leurs flammes ; et moi, dans tout ça, je me voyais descendre en train de les rejoindre. 

Non, je ne veux pas. Je ne veux pas les rejoindre. Ce n’est pas ma volonté. Je suis plus fort que ça. Personne ne décide à ma place. Je vais remonter et m’évader de ce lieu. Je n’ai pas besoin de réfléchir pour déterminer où je suis, je connais le chemin. Toi, l’ombre, remonte-moi ou je te fais la peau. 

Je ne ressentais aucune émotion, aucun sentiment, aucun ressenti, mais je parvenais à émaner de la haine, de la joie, de l’envie. C'est paradoxal. C'est pourtant la vérité. 

- Bien, humain. Tu as saisi la puissance de ton esprit. Ton esprit, c’est Dieu. Et toi, tu es ton esprit. Vous faites un. Si tu l’abandonnes, tu chutes. Sans Dieu, c’est l’enfer. Avec Dieu, c’est toi. Tout est une question de symbologie. Ne l’oublie jamais. Désormais, tu vas remonter... et mourir. 

Une lame me transperça l’esprit et me déconnecta de mon existence. Le temps n’existait pas. C'est relatif. Pourtant, l’infini était mon horloge. Je suis mort. C'est comme cela que ça se finit. Si j’avais su, j’aurais profité de la vie, haha... 

Je suis tellement déçu de moi, je n’ai rien pu faire. Pourquoi est-ce que ça devait se passer comme ça ? Je ne pourrai plus jamais ressentir le bonheur de dormir, de manger ; tout ça, ça s’est évaporé. L'amertume, voilà ce que je ressentais. 

Mes yeux s’ouvrirent et j’aperçus le plafond de ma chambre. Le pêlemêle envahissait mon tapis. La lumière du jour tapait sur mes rideaux, laissant apparaitre les rayons du soleil. Je me levai, m’essayai sur le bord du lit et laissa mes pieds toucher la fourrure du tapis. Mes yeux peinèrent à s’ouvrir entièrement. 

Attends, je suis mort ? Qu’est-ce que je fous ici ? 

[1] Antichrist dans l'Islam.

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